L’antifragilité signifie que l’adversité peut être bénéfique. Nassim Nicholas Taleb avance dans Antifragile que les choses sont soit fragiles, lorsqu’un seul et unique événement extrême les met en danger ; soit robustes, si elles sont capables de résister ; soit antifragiles, si l’accident les rend plus fortes. Son intuition est que c’est l’antifragilité, et non pas la robustesse, qui est la vertu essentielle à la survie.
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L’antifragilité est le secret de la vie. Nassim Nicholas Taleb affirme que les choses antifragiles ne sont pas seulement résistantes, elles s’améliorent grâce aux chocs. Telle est la propriété de tout ce qui évolue avec le temps, comme le corps humain (comparé à un objet matériel inerte). Par exemple, ingérer une petite dose de poison ou jeûner renforce paradoxalement l’organisme. Le phénix qui renaît de ses cendres et l’hydre dont les têtes repoussent plus nombreuses sont des illustrations mythiques de cette propriété. L’antifragilité est en effet très répandue dans les diverses dimensions de la vie, de l’esprit humain aux systèmes économiques ou politiques. « Tout ce qui, à la suite d’événements fortuits (ou de certains chocs), comporte plus d’avantages que d’inconvénients est antifragile, pose Nassim Nicholas Taleb ; et fragile dans le cas contraire » (Antifragile). L’antifragilité crée notamment des phénomènes de surcompensation : la nécessité impérieuse favorise l’innovation ; le bruit du café pousse l’écrivain à atteindre un niveau supérieur de concentration ; la censure ou le scandale décuplent l’attention du public (c’est l’« effet Streisand »). Elle s’exprime également dans le rapport du tout à la partie. Ainsi, les hommes sont certes individuellement fragiles, mais chaque existence contribue à renforcer le code génétique. Sur le plan économique, la main invisible transforme l’égoïsme de l’entrepreneur en prospérité collective. Nassim Nicholas Taleb conclut de toutes ces manifestations que l’antifragilité est une propriété fondamentale de la vie.
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Nassim Nicholas Taleb dénonce le déni de l’antifragilité
Les sociétés modernes dénient l’antifragilité. Nassim Nicholas Taleb définit la modernité par le fait qu’elle affaiblit tous les systèmes naturels qui ont survécu en les privant de volatilité, de hasard et de stress. « Telle est, regrette-t-il, la tragédie de la modernité : comme les parents excessivement et obsessionnellement protecteurs, ceux qui essaient de nous aider sont souvent ceux qui nous font le plus de mal » (Antifragile). À l’échelle de la société, le développement de l’interventionnisme (les politiques top-down) depuis l’apparition de l’État-nation accroît la fragilité. Cela renforce tout particulièrement le rôle des cygnes noirs : les systèmes humains perdent énormément lorsqu’ils subissent des événements imprévisibles de grande ampleur. Nassim Nicholas Taleb pointe du doigt la responsabilité des « fragilistas », des prétentieux qui ignorent l’inconnu, surestiment la portée du savoir scientifique et interfèrent avec ce qu’ils ne comprennent pas. Ils croient par exemple pouvoir intervenir dans l’économie ou le corps humain comme on répare une machine à laver. Mais en pratique, l’intervention de l’État maintient le système économique dans une grande fragilité, à la merci du moindre accident, et celle de la médecine crée des problèmes pires, telles des bactéries résistantes aux antibiotiques ou des cellules cancéreuses résistantes à la chimiothérapie. À l’échelle individuelle, le déni de l’antifragilité crée un stress chronique auquel le corps et l’esprit ne sont pas adaptés. Nassim Nicholas Taleb y voit enfin la source de l’ennui qui caractérise l’existence moderne : la « touristification de la vie » en supprime le goût.
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L’antifragilité est aussi une boussole éthique. Pour Nassim Nicholas Taleb, elle implique qu’un individu ne doit pas accepter d’accroître la fragilité d’autrui. Le pilote devrait toujours se trouver dans l’avion. Cette règle met en évidence la culpabilité de ceux qui refusent de prendre des risques, voire qui transfèrent à d’autres les conséquences des risques qu’ils prennent : fonctionnaires, universitaires, journalistes, establishment médical, grandes sociétés pharmaceutiques, etc. La complexité des institutions modernes dissimule l’hégémonie de telles personnes. Si la simplicité est un facteur d’antifragilité — dans la mesure où elle favorise la compréhension et la correction de l’erreur —, la sophistication est cependant dans l’intérêt de beaucoup de monde. Ces partisans de la complexité empêchent la collectivité d’apprendre de ses erreurs. Nassim Nicholas Taleb considère que c’est l’inverse qui est moral : l’individu doit assumer d’être fragile afin que le groupe devienne antifragile. Ainsi, la confrontation à l’ambiguïté de la vie est essentielle pour mener une vie honorable : « Celui qui n’a jamais péché, écrit l’essayiste, est moins digne de confiance que celui qui n’a péché qu’une fois. Et quelqu’un qui a commis quantité d’erreurs — mais jamais plus d’une fois la même erreur — est plus digne de confiance que quelqu’un qui n’en a jamais commis » (Antifragile). Aux yeux de Nassim Nicholas Taleb, les véritables héros qui font progresser la civilisation sont ceux qui jouent leur peau pour le bénéfice d’autrui, comme les chevaliers, les généraux, les commandeurs, ou les saints.
