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La morale anarchiste de Kropotkine

La morale anarchiste Kropotkine

La morale anarchiste refuse les illusions de la morale classique. Dans La Morale anarchiste, Kropotkine récuse notamment l’opposition entre l’altruisme et l’égoïsme, à cause de laquelle aucune espèce n’aurait pu se développer. Le théoricien anarchiste est convaincu que les hommes agiront forcément dans le sens de vraie morale s’ils sont émancipés des préjugés et des menaces de la morale classique.

La fable des abeilles de Mandeville

La morale anarchiste remet en cause la morale classique. Kropotkine se réjouit de l’affranchissement naturel de la pensée humaine qui la conduit à tout remettre en cause, notamment la morale bourgeoise, que les « ennemis de la pensée » (le gouvernant, l’homme de loi et le religieux) propagent par le biais de l’éducation. Ce sursaut peut mettre fin à la dépravation générale due à la négligence des questions morales sous le règne de la bourgeoisie. Paradoxalement, cette remise en cause des fondements de la morale établie élève le niveau moral. « C’est à ces époques surtout, affirme Kropotkine, précisément quand on le critique et le nie, que le sentiment moral fait les progrès les plus rapides ; c’est alors qu’il croît, s’élève, se raffine » (La Morale anarchiste). Les jeunes nihilistes russes ont par exemple développé un véritable noyau de coutumes morales en invalidant, les uns après les autres, les préjugés moraux : la conception biblique de la morale, comme une compilation arbitraire de traditions babyloniennes et judaïques ; l’impératif catégorique kantien comme une pétition de principe ; l’utilitarisme, comme un système trop évidemment imparfait, etc. Pour Kropotkine, toute morale classique repose en réalité sur un manichéisme conscient – celui qui oppose l’ange et le diable – ou inconscient – celui qui oppose l’âme et les passions.

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Kropotkine fonde la morale anarchiste sur l’identité de l’intérêt de l’espèce et de celui de l’individu

La morale anarchiste met en évidence le fondement de la morale authentique. Kropotkine considère que le mobile universel de l’action individuel a déjà été trouvé par les critiques de la morale classique : il s’agit de la recherche du plaisir. Ainsi, un homme qui vole un morceau de pain à un enfant misérable et celui qui, à l’inverse, le lui donne par charité agissent tous deux par égoïsme – ils recherchent la même chose, même s’ils ne l’obtiennent pas de la même manière. Pour Kropotkine, cette loi ne suffit cependant pas à distinguer les actes d’un point de vue moral. Malgré leur découverte, les critiques de la morale classique ne se sont pas émancipés de son manichéisme, transcrit par eux dans la primauté de l’esprit sur le corps. Or, pour être compris, le fondement de la morale authentique demande d’observer la société, et non plus l’individu. Certains penseurs du XVIIIe siècle avaient bien remarqué que le monde animal – dont l’homme fait partie – n’a pas besoin de la philosophie ou de la religion pour distinguer le bien du mal. « La fourmi, l’oiseau, la marmotte et le Tchouktche[1] sauvage, écrit Kropotkine, n’ont lu ni Kant ni les saints Pères, ni même Moïse. Et cependant, tous ont la même idée du bien et du mal » (La Morale anarchiste). Si les conceptions morales dépendent en partie des circonstances matérielles, le bon est en dernière instance ce qui est bon pour la préservation de la race.

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La morale anarchiste repose fondamentalement sur la solidarité. Kropotkine montre que celle-ci constitue le principe le plus favorable à l’intérêt supérieur de l’espèce. Elle est supérieure à l’égoïsme, car elle développe chez l’individu le courage et la liberté d’initiative qui profiteront à la race tout entière. Cette supériorité est le fruit de toute l’expérience de la vie sociale des animaux comme des hommes ; la disparition du sentiment de solidarité condamnant le groupe face aux divers obstacles de la vie, ce sentiment s’est mué en un principe passé à l’état d’habitude inconsciente. Or, cette mutation est très ancienne : le sens moral est antérieur, dans l’évolution animale, à la bipédie humaine. « Le sens moral, affirme Kropotkine, est en nous une faculté naturelle, tout comme le sens de l’odorat et le sens du toucher » (La Morale anarchiste). Ce sens moral se décèle à l’échelle individuelle, comme l’a mis en évidence Adam Smith, dans la sympathie, c’est-à-dire la capacité de l’homme à souffrir, par projection, à la place de son semblable. La véritable loi morale est donc « Traite les autres comme tu aimerais à être traité par eux dans des circonstances analogues ». L’égalité, qui n’est autre que le principe fondateur de l’anarchie, découle directement du principe de solidarité. Kropotkine précise que ces deux principes n’empêchent pas de laisser les hommes absolument libres, car cette liberté ne peut que les ramener sur le chemin de la morale authentique.

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[1] Les Tchouktches sont un peuple paléo-sibérien habitant le nord de l’Extrême-Orient russe, sur les rives de l’océan Arctique et de la mer de Béring.

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Qui est Romain Treffel ?

Passionné par les idées, je veux vous aider à mieux comprendre votre existence grâce au meilleur de la pensée. C’est dans cet esprit que je travaille à rendre les grands concepts plus accessibles et les grands auteurs plus proches de nous.

Passé par l’ESCP, la Sorbonne, et l’École Normale Supérieure, j’aide également les étudiants à réussir les épreuves littéraires des concours des grandes écoles.

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