La recherche de la vérité réconcilie la raison et la foi. Dans De la recherche de la vérité, Malebranche met en évidence le rôle de la foi dans la réactivation de la raison, dont l’homme a perdu l’usage authentique à cause du péché originel. Devant les fondations de sa pensée à Descartes, le philosophe chrétien s’en émancipe toutefois en soulignant la dimension divine de l’expérience de recherche de la vérité.
La recherche de la vérité nécessite d’écarter l’erreur. Malebranche part en effet du principe que la liberté de l’homme nourrit chez celui-ci une forte propension à l’erreur. Il donne à ce phénomène une explication théologique : le péché originel ayant changé l’union de l’âme et du corps en dépendance (de la première au second), l’entendement est contaminé par le péché alors qu’il n’y a pas participé ; ses idées claires et distinctes sont sans cesse submergées par les images que le corps suggère à l’âme. Or, c’est cette contamination qui est responsable du malheur humain. « L’erreur, affirme Malebranche, est la cause de la misère des hommes ; c’est le mauvais principe qui a produit le mal dans le monde ; c’est elle qui a fait naître et qui entretient dans notre âme tous les maux qui nous affligent, et nous ne devons point espérer de bonheur solide et véritable qu’en travaillant sérieusement à l’éviter » (De la recherche de la vérité). Pour ce faire, l’homme doit se méfier de ses sens, qui ne lui transmettent pas les caractéristiques réelles des choses, mais conçoivent celles-ci par rapport au corps. Malebranche lui recommande également de prendre conscience des limites de son imagination, laquelle est dépendante de la constitution de son cerveau. Trop d’imagination empêche l’application de l’entendement, trop peu paralyse la recherche de la vérité en la soumettant au passé.
Malebranche fait dépendre la recherche de la vérité de Dieu
La recherche de la vérité repose sur l’exercice de la raison. Celle-ci est, pour Malebranche, le seul maître intérieur auquel l’homme puisse se fier. Si le péché originel lui a fait perdre l’intimité qui les unissait, il peut réapprendre à s’en servir en prêtant attention à sa nature profonde, où la raison est inscrite en tant que faculté humaine universelle. « Je vois, par exemple, explique Malebranche, que 2 fois 2 font 4, et qu’il faut préférer son ami à son chien, et je suis certain qu’il n’y a point d’homme au monde qui ne le puisse voir aussi bien que moi. Or, je ne vois point ces vérités dans l’esprit des autres, comme les autres ne les voient point dans le mien. Il est donc nécessaire qu’il y ait une raison universelle qui m’éclaire et tout ce qu’il y a d’intelligence » (De la recherche de la vérité). Cette attention tendue vers la raison constitue l’acte intellectuel même, grâce auquel les idées naissent dans l’esprit. Adepte de la méthode cartésienne, Malebranche avance donc que la recherche de la vérité requiert une introspection où le sujet s’éveille aux idées claires qui émergent en lui-même. Cette aptitude à rentrer soi-même pour confronter les jugements du monde à la vérité intérieure demande force et liberté d’esprit. C’est ainsi que l’homme peut parvenir à se connaître, et ce faisant s’élever au-dessus du commun des mortels.
La recherche de la vérité aboutit à tourner l’homme vers Dieu. Le point de départ de Malebranche est l’impossibilité, pour l’homme, de connaître un objet en lui-même, sinon par le moyen de l’idée de l’objet. Le philosophe s’écarte ici de Descartes en considérant qu’une idée obscure et confuse ne permet pas de connaître par idée. En fait, une chose peut être connue de trois manières différentes : par intuition (comme sont connus Dieu et l’infini) ; par sentiment intérieur (l’âme, par exemple) ; par idée, soit l’archétype de la chose qu’elle représente. Or, la nature de l’idée est problématique : elle n’est pas matérielle ; elle n’est pas propre à l’âme, car elle est une réalité indépendante de l’esprit ; elle n’est pas non plus innée dans l’âme, puisqu’elle apparaît à un certain moment. Une seule et dernière hypothèse permet alors d’expliquer l’origine de l’idée : elle serait vue en Dieu. « L’attention, écrit Malebranche, n’est que le retour et la conversion de l’esprit vers Dieu, qui est notre seul maître et qui seul nous instruit de toute vérité » (De la recherche de la vérité). Ainsi, comme Dieu garde en lui toutes les idées de ses créations et que l’âme lui est connectée, l’homme puise en Dieu les idées des êtres et des corps qu’il rencontre. Malebranche pose donc, avec cette thèse de la « vision en Dieu », que le pouvoir de connaître de l’homme ne lui est pas propre.
La profession de foi du vicaire savoyard de Rousseau