Montesquieu met en évidence trois principaux types de gouvernements. Dans L’Esprit des lois, il distingue la république, la monarchie et le despotisme par leur nature ainsi que par la passion humaine qui les anime profondément. Ces gouvernements correspondent ainsi chacun à une société caractérisée par une certaine éthique individuelle.
Les régimes politiques selon Aristote
Le premier gouvernement est la république. Montesquieu le définit comme celui où « le peuple en corps, ou seulement une partie du peuple [y] a la souveraine puissance » (De l’Esprit des lois). Ainsi, la république est soit une aristocratie (lorsque « seulement une partie du peuple » est souveraine), soit une démocratie (lorsque « le peuple en corps » est souverain). Les deux régimes ne s’opposent donc pas par essence, ils sont en fait deux espèces différentes d’un même type de gouvernement. Dans l’un comme dans l’autre, les lois sont fondamentales en raison de la souveraineté du peuple ; c’est pourquoi les systèmes électoraux doivent être élaborés avec le plus grand soin. En effet, le fonctionnement de la république repose sur la propension de chaque citoyen à se soumettre à la loi, c’est-à-dire que le principe de ce gouvernement est la vertu. Celui-là même qui édicte ou fait exécuter les lois y est soumis dans la même mesure que le simple citoyen. Cette vertu républicaine comprend l’« amour de la patrie » (signifiant aujourd’hui l’intérêt général), l’amour de l’égalité et de la frugalité. L’aristocratie requiert une vertu moindre – que Montesquieu nomme « modération » – parce que le peuple est contenu par le pouvoir de la minorité aristocratique.
Montesquieu affectionne la monarchie et redoute le despotisme
Le deuxième gouvernement est la monarchie. Montesquieu le définit comme celui où « un seul gouverne, mais par des lois fixes et établies » (De l’Esprit des lois). En pratique, l’esprit de la monarchie est toutefois que le roi n’y exerce pas le pouvoir tout seul – elle ne doit donc pas être absolue, ce qui serait pour le philosophe une corruption du système originel. L’autorité du monarque est en effet soumise à certaines règles en même temps qu’elle doit naturellement composer avec une série de pouvoirs intermédiaires, voués eux aussi à limiter son pouvoir en créant un équilibre des forces. Ce refus de l’absolutisme implique la nécessité, pour le roi, de s’entourer de relais efficaces. Il sélectionne alors en fonction de leurs talents les individus chargés de l’assister dans l’exercice de son pouvoir, en les encourageant à se distinguer pour accéder à des rangs supérieurs. Cette compétition fait de l’honneur le principe du gouvernement monarchique. Les hommes brillants dignes d’honneur sont au-dessus des lois faites pour les autres et il est préférable qu’ils ne soient pas vertueux, tant qu’ils demeurent attachés aux vertus aristocratiques. Montesquieu définit plus précisément l’honneur par trois règles : ne pas tenir à sa vie ; ne rien faire qui dévalorise son rang ; accomplir plus rigoureusement ce que l’honneur commande quand la loi ne le soutient pas.
Le troisième gouvernement est le despotisme. Montesquieu le définit comme celui où « un seul, sans loi et sans règle, entraîne tout par sa volonté et par ses caprices » (De l’Esprit des lois). Sa conception inspirée des récits de voyageurs sur les régimes orientaux (Empire ottoman, Perse, Chine, Japon…) dessine un despote ignorant, paresseux et brutale, qui néglige les affaires politiques et abandonne son pouvoir à une chaîne de commandement. Ainsi, le pouvoir despotique renvoie plus précisément, pour le philosophe, à une hiérarchie verticale de pouvoirs absolus, détenus à différents niveaux et toujours exercés de manière arbitraire, sans cadre ni limites. Dès lors, le principe de ce gouvernement est la crainte : « il faut donc que la crainte abatte tous les courages et y éteigne jusqu’au moindre sentiment ». Jamais le despote ne peut cesser de lever le bras. La vertu, elle, est inutile, tandis que l’honneur est dangereux. Montesquieu pointe du doigt la vacuité juridique du despotisme, où seule résonne la volonté du despote. Il s’agit pour lui en réalité d’un état d’égalité extrême, car les sujets sont absolument égaux dans leur impuissance face au souverain. Le philosophe voit donc dans l’uniformisation sociale la menace du despotisme.