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La violence symbolique de Bourdieu

violence symbolique Bourdieu

La violence symbolique sert à légitimer la domination. Bourdieu affirme dans Esquisse d’une théorie de la pratique qu’elle est même le principe d’efficacité de toute obéissance. Elle peut être définie comme l’ensemble des signes dont l’émission contribue à faire passer une domination assise sur un rapport de forces pour naturelle, et donc légitime.

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La violence symbolique est une méthode originale de domination. Si la violence physique est un moyen incontournable d’obtenir l’obéissance nécessaire à l’ordre social, la violence symbolique est plus efficace dans la mesure où elle est subtile et invisible. En effet, elle appartient à la famille des phénomènes symboliques (pouvoir, domination, révolution, etc.) théorisés par Bourdieu, qui témoignent de la dimension psychologique profonde de la socialisation. La violence symbolique vise plus précisément à engendrer la participation des dominés à leur propre soumission, la complicité de l’agent social sur lequel elle agit : « la violence symbolique, écrit le sociologue, est cette coercition qui ne s’institue que par l’intermédiaire de l’adhésion que le dominé ne peut manquer d’accorder au dominant (donc à la domination) lorsqu’il ne dispose, pour le penser et pour se penser ou, mieux, pour penser sa relation avec lui, que d’instruments qu’il a en commun avec lui » (Méditations pascaliennes). Elle ne doit pas être confondue avec une servitude volontaire, parce que la connivence de l’agent assujetti n’est pas un acte conscient et délibéré. Pour agir ainsi, elle emprunte des voies discrètes qui échappent à l’intelligence et à la conscience, comme certaines dispositions du corps et de l’esprit à l’égard des structures sociales. Ainsi, l’ordre social se légitime par le biais de manières de penser, de se tenir et de se comporter.

La servitude volontaire selon La Boétie

Bourdieu montre que la violence symbolique est insidieuse

La violence symbolique naturalise la domination. Alors que la violence physique produit une obéissance éphémère, la violence symbolique génère, elle, des effets durables. Elle installe une soumission plus fiable parce qu’elle a pénétré les structures cognitives du dominé. Bourdieu montre que cet ancrage mental conduit l’individu à percevoir le monde d’une manière favorable au dominant : l’ordre social est naturalisé, c’est-à-dire que la hiérarchie contingente établie par les forces de domination est vue comme évidente et nécessaire. Ce processus idéologique de naturalisation de la domination permet de conforter et de reconduire l’ordre existant sans difficulté. Pour Bourdieu, cette légitimation tacite et inconsciente constitue une « méconnaissance » du dominé, qui l’entraîne à accepter « un ensemble de supposés fondamentaux […] que les agents sociaux engagent du simple fait de prendre le monde comme allant de soi, c’est-à-dire comme il est, et de le trouver naturel parce qu’ils lui appliquent des structures cognitives qui sont issues des structures mêmes de ce monde » (Réponses, pour une anthropologie réflexive). Ainsi, la violence symbolique réussit à faire passer un paradigme politique pour une vérité universelle en diffusant une forme d’ignorance chez les dominés. Bourdieu déplore notamment que cette manipulation idéologique biaise fortement la concurrence des solutions politiques dans l’opinion publique en survalorisant celles qui sont favorables aux dominants.

Le pouvoir selon Michel Foucault

La violence symbolique trouve des relais insoupçonnés. L’État en est tout d’abord un relais majeur. Bourdieu paraphrase à ce propos Max Weber en présentant l’institution étatique comme détentrice de la violence symbolique (et non pas physique) légitime. En effet, l’État régule les pratiques parce qu’il « institue et inculque des formes symboliques de pensée commune, des cadres sociaux de la perception, de l’entendement ou de la mémoire, des formes étatiques de classification ou, mieux, des schèmes pratiques de perception, d’appréciation et d’action » (Méditations pascaliennes). Il n’a donc pas besoin de donner des ordres, car il lui suffit de rentrer dans l’esprit des citoyens. Bourdieu illustre ce phénomène en étudiant l’enjeu de domination que recèle l’éducation. Pour le sociologue, le système scolaire est un instrument de violence symbolique parce qu’il contribue fortement à reproduire l’ordre social, par exemple en naturalisant ce qui ne relève que d’un accès inégal à la culture. Il va même plus loin en affirmant que cette superposition de la hiérarchie scolaire à la hiérarchie sociale est immanente à l’éducation : « toute action pédagogique, affirme Bourdieu, est objectivement une violence symbolique, en tant qu’imposition, par un pouvoir arbitraire, d’un arbitraire culturel » (La Reproduction). Enfin, la violence symbolique est plus encore spécifiquement relayée par la parole. Dans l’éducation, par exemple, la parole légitime est celle du professeur, similaire, pour l’élève privilégié, à celle de ses parents, tandis que l’élève de milieu défavorisé la perçoit presque comme une langue étrangère à apprendre.

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Qui est Romain Treffel ?

Passionné par les idées, je veux vous aider à mieux comprendre votre existence grâce au meilleur de la pensée. C’est dans cet esprit que je travaille à rendre les grands concepts plus accessibles et les grands auteurs plus proches de nous.

Passé par l’ESCP, la Sorbonne, et l’École Normale Supérieure, j’aide également les étudiants à réussir les épreuves littéraires des concours des grandes écoles.

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